Il a été trop difficile pour moi de faire un top 10 des années 2010. Trop de films vus, trop de films manqués, et trop de difficulté à choisir entre tel ou tel coup de coeur. Je dois dire que j’ai souvent du mal à noter les films, alors pensez-vous, les classer est une horreur. Toutefois, l’exercice devient plus facile si on se pose des contraintes précises : choisir un film par an et surtout privilégier le souvenir d’une expérience à une recherche (souvent futile) de la qualité cinématographique objective d’un film.

Ainsi, cette liste ne contient que des films que je pourrais voir 20 fois sans m’ennuyer, des films qui m’ont pris aux tripes, que ça soit dans une salle obscure ou sur mon canapé, des films qui ont changé ma vision du cinéma d’une manière ou d’une autre, et de façon dramatique ou mineure.

Certaines années, un film sortait tellement du lot qu’il a été très facile de choisir (Whiplash est le film des années 2010 que j’ai préféré, sans hésitation ou presque), pour d’autres le choix était cornélien entre les deux ou trois films en tête (2019 en particulier a été une belle cuvée) et enfin je n’étais parfois tout simplement pas très satisfait du choix qui m’était donné une année (les films pouvaient être très bons, mais quand je voyais ceux que j’avais dû mettre de côté d’autres années…). Mais dura lex sed lex, et il faut bien choisir.

Voici donc mes années 2010 au cinéma.

2010 : Inception de Christopher Nolan

Bandeau Inception

Après avoir fait un chef d’oeuvre du film de super-héros avec The Dark Knight, Christopher Nolan revient avec le film qui, à ce jour, justifie peut-être le mieux son obsession avec la narration alambiquée et les temporalités parallèles. Dans Inception, les personnages évoluent dans des strates de rêves différentes, et il est jouissif de voir la cascade de conséquences qu’un niveau peut avoir sur l’autre. Ainsi, tomber dans une baignoire remplie dans la réalité va littéralement noyer le décor du rêve sous des trombes d’eau, et un combat dans un couloir d’hôtel se retrouve renversé par le carambolage que subissent les rêveurs. Aucune folie stylistique n’est trop ambitieuse pour ce tour de force visuel, et on ressort avec des rêves plein la tête.

2011 : Drive de Nicolas Winding Refn

Bandeau Drive

Le cas Nicolas Winding Refn est un cas complexe. En découvrant Drive en salles cette année là, j’ai été ébloui par son rythme à la fois contemplatif et intense, et charmé par des personnages tous attachants (oui oui, même Ryan Gosling). Cette lenteur brute, parfaitement matérialisée par la scène de l’ascenseur, m’a laissé avec une envie d’en voir plus. Pour autant, la personnalité du réalisateur m’insupporte un peu (il a dit à William Friedkin en interviewant qu’il considérait un de ses propres films, Only God Forgives, comme un chef d’oeuvre…), et m’a poussé à revoir certains tiques de réalisation qui me semblaient subtils à l’époque comme autant de maniérismes aujourd’hui. Drive est son chef d’oeuvre, et je l’adore encore aujourd’hui, mais il vaut mieux parfois laisser le film parler de lui-même.

2012 : Avengers de Joss Whedon

Bandeau Avengers

Qu’on aime cette vision du cinéma on qu’on la méprise, il est difficile de nier que le film qui a défini les années 2010 est le premier Avengers. En plus de lancer la mode des univers partagés, la recette Marvel Studios s’est révélée infaillible par la suite, assurant des milliards de dollars de recettes pendant près d’une décennie. Il est facile d’oublier aujourd’hui que le pari était risqué à l’époque, et que le défi a été relevé haut la main en partie grâce à la qualité du film : Joss Whedon parvient à réunir tout un ensemble de personnages qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et à les faire fonctionner. C’est bien ce talent, qu’on retrouvait déjà dans ses séries télévisées comme Buffy contre les vampires ou Firefly qui permet au spectateur de s’embarquer dans l’équipe dès les premières minutes et ne pas lâcher jusqu’au bout du générique de fin.

2013 : Evil Dead de Fede Alvarez

Bandeau Evil Dead

Je suis un fan incontesté de la saga Evil Dead, et l’amour qui est mis dans ce remake transpire à tous les plans. Pour autant, on ne se retrouve pas face à une suite de clins d’oeil ou une simple redite de l’original. Fede Alvarez remet au goût du jour cette histoire de jeunes passant un week-end dans une cabane pour finir par se faire posséder un à un par une entité démoniaque, et le fait avec brio pour un premier film.

2014 : Whiplash de Damien Chazelle

Bandeau Whiplash

Sans conteste mon coup de coeur de toute cette décennie. Un film au rythme aussi effréné qu’un morceau de jazz, un face à face des plus dantesques entre deux protagonistes qu’on adore détester et un final magnifique, et le tout mis en musique de façon sublime. Que dire de plus, c’est un chef d’oeuvre !

2015 : It Follows de David Robert Mitchell

Bandeau It Follows

Il n’est pas difficile de voir que j’aime les films d’horreur, et celui-ci est particulièrement cher à mes yeux. Avec Mister Babadook (2014, Jennifer Kent) et The VVitch (2015, Robert Eggers), It Follows a ouvert la voie à un cinéma d’horreur auteurisant. Si la démarche peut parfois déboucher sur ce qu’il me semble être un certain mépris du genre de base (je n’ai par exemple pas énormément de sympathie pour le Suspiria de Luca Guadagnino malgré ses qualités), elle a aussi permis à un genre souvent décrié de se rafraîchir grâce au talent d’auteurs plus indépendants (on pensera à Get Out de Jordan Peele, succès critique et public de 2017). Avec son style épuré et son principe de base terrifiant de simplicité, It Follows restera à jamais mon coup de coeur de ce style si particulier.

2016 : Mademoiselle de Park Chan-Wook

Bandeau Mademoiselle

Je ne savais pas à quoi m’attendre en lançant ce film, et je pense que ce flou est une bonne chose. Ainsi, je n’entrerai pas trop en détails sur l’intrigue en elle-même, et je dirai juste que ce film m’a fait l’effet d’une bombe : le tout est dynamique, surprenant et nous garde en haleine de bout en bout. À ne pas rater !

2017 : Baby Driver de Edgar Wright

Bandeau Baby Driver

Avec Baby Driver, Edgar Wright met la forme avant le fond. À l’image de son héros, le film avance au rythme de sa musique, et le jusqu’au-boutisme dont fait preuve Edgar Wright dans sa mise en scène permet au film de garder sa cohérence de la première à la dernière minute. Dès lors, l’histoire à la facture plus que classique n’est pas à prendre comme une faiblesse, mais comme la toile de fond sur laquelle va s’exprimer tout le dynamisme visuel du réalisateur. Attachez vos ceintures, parce que ça décoiffe !

2018 : Into the Spider-Verse de Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman

Bandeau Spider-Verse

Quand j’ai entendu parler de ce projet, ma première réaction a été un léger grincement de dents et un “ouh là, ça a l’air un peu casse-gueules”. Je suis un avide lecteur de comic books et un grand fan de Spider-Man depuis ma plus tendre enfance, mais l’idée d’adapter à l’écran les multivers qui pullulent dans les bandes dessinées Marvel pour un public pas forcément habitué à imaginer les super-héros classiques dans un contexte fantastique me semblait infaisable. J’ai vite ravalé mes doutes tant le film est fluide et bien écrit : on n’est jamais perdu et l’ensemble est si cohérent qu’on croit volontiers à la cohabitation entre un Spider-Man cartoon et une autre tirée de l’univers manga. En plus, la maestria avec laquelle est utilisée l’animation dans le film force le respect, et montre que tout n’a pas encore été dit sur notre tisseur préféré au cinéma.

2019 : Once upon a time… in Hollywood de Quentin Tarantino

Bandeau Ouatih

Quel film pour terminer la décennie. Once upon a time… in Hollywood est une oeuvre somme du réalisateur phare de sa génération, une rétrospective même, revenant sur sa filmographie toute entière ou presque. Quentin Tarantino nous livre ici ce que je pense être l’un de ses films les plus personnels, et j’aurais eu du mal à ne pas célébrer le tour de force qu’il nous propose. Tous les aspects du film fonctionnent parfaitement, et on se retrouve à la fin du film à vouloir rester encore un peu dans ce Los Angeles merveilleux de la fin des années 60.