Double-Séance Fuite en avant

Les doubles-séances vous invitent à passer la soirée devant deux films qui, chefs d’oeuvres comme nanards, vous garantissent de passer un bon moment de détente, avec une activité s’éloignant du cinéma pour l’entracte. Pour débuter ce format, deux bijoux cultes, épurés et hauts en couleurs du film d’action qui ont comme point commun cette histoire simple de fuite en avant, où la richesse (bien réelle) de l’histoire se trouve dans les détails des mondes qui nous sont présentés.

Préparation

Invitez quelques potes, sortez les bières et les canettes d’Aqua Cola d’Immortan Joe1, enfilez des vestes assorties (de préférence bien colorées et kitsches, le maquillage est un plus), et cuisinez quelques chicken wings des familles. Ça y est, barbouillez-vous le visage d’huile de moteur et vous êtes prêts pour la première séance !

Première séance à 20h – Mad Max: Fury Road

Mad Max

On retrouve enfin Mad Max sur nos écrans 30 ans après le Thunderdome pour un film d’action survolté (probablement le meilleur des années 2010 !) dans lequel Max va aider un groupe de jeunes femmes menées par l’intrépide Furiosa à fuire Immortan Joe, chef de guerre contrôlant les réserves d’eau de la région qui les gardait prisonnières dans son harem personnel.

Le film est une énorme course-poursuite remplie de cascades plus incroyables les unes que les autres, et il est impossible de ne pas s’ébahir devant certaines scènes. On notera par exemple les ballets de guerriers qui dansent littéralement au bout de piques accrochés à des voitures lancées à toute vitesse à travers le désert, qui sont sûrs de vous décoller la rétine !

Pour autant, le film est loin d’être bête, et vous pourrez vous délecter de toute la construction du monde dans lequel évoluent nos héros. Chaque choix de costume raconte une histoire, chaque réplique parcimonieuse révèle tout un pan du fonctionnement de cette société post-apocalyptique, et chaque décor par sa topographie ou son simple nom évoque immédiatement des images à l’esprit du spectateur attentif. Le simple fait par exemple d’avoir renommé l’eau Aqua Cola nous dit tout ce que l’on a besoin de savoir sur l’antagoniste du film, Immortan Joe : c’est avant tout un commerçant qui ne croit en rien mais fait avaler des couleuvres à un peuple crédule, et qui traite les choses essentielles comme des moyens de contrôle, et les gens comme des choses.

Fin de la séance : aux alentours de 22h

Entracte à 22h – Une ou deux parties de Skull

Pour honorer le passé de biker de Max ou l’affiliation à un gang des Warriors, sortez donc une copie du jeu de société Skull, dont la légende raconte qu’il est né dans les bars fréquentés par les Hell’s Angels.

Skull est le jeu ultime de bluff. Chaque joueur a dans sa main 4 cartes, trois représentant des roses, une représentant un crâne. Tour à tour, les joueurs vont poser devant eux leurs cartes, faces cachées, jusqu’à ce que l’un de vous annonce qu’il est sûr de pouvoir retourner un certain nombre de roses sans retourner de crâne. Les autres joueurs peuvent augmenter la mise s’ils pensent qu’ils peuvent retourner plus de roses sans retourner de crâne, ou laisser le joueur prouver ses dires. S’il réussit, il se rapproche de la victoire, sinon il doit se défausser de l’une de ses cartes. Le premier joueur à réussir deux tours, ou à défaut le dernier joueur en lice gagne. Simple !

Rapide, nerveux et garantissant des bonnes tranches de rire, ce jeu promet des moments de tension dignes des courses-poursuites les plus rapides d’un film d’action (mais en moins dangereux, je vous l’accorde).

Fin de l’entracte : aux alentours de 22h30

Deuxième séance à 22h30 – The Warriors

The Warriors

New-York, fin des années 70. Le chef du gang le plus puissant de la ville a un rêve : parvenir à stopper la guerre sans relâche que se font les différentes factions afin de les unir et prendre le contrôle de la ville. Malheureusement, il se fait assassiner alors qu’il présentait son idée aux délégations de tous les gangs de la ville. Pourtant innocents, la délégation des Warriors de Coney Island se fait rapidement accuser. S’annonce alors pour eux la pire nuit de leur vie alors qu’ils vont devoir traverser New-York du Nord au Sud, rencontrant sur leur route des gangs cherchant tous à se venger.

Film culte de Walter Hill, The Warriors vous plaira par son charme un peu kitsch, ses personnages attachants et ses bastons à mains nues. On se marrera allègrement devant les maquillages qui se veulent baseball mais qui rappellent plus le groupe Kiss du gang des Furys, le jeu survolté du leader de la délégation des Rogues ne manquera pas de vous faire sourire, et il est impossible de ne pas kiffer le stoïcisme presque zen du (tout petit) chef des Riffs ! Le tout est emballé dans un style résolument comic-book qui n’a absolument pas besoin des transitions tape-à-l’oeil que vous trouverez dans la director’s cut pour transparaître2. Le soin apporté à l’éclairage, au cadrage et au montage sont tout à fait admirables, et subliment des personnages qui font le charme du film.

Encore une fois, mais dans un style différent, le film n’est pas décérébré du tout, loin de là. S’il peut paraître pour le moins daté à première vue, notamment dans le langage constamment homophobe d’un des personnages et la caractérisation du seul personnage féminin, pour ma part je pense au contraire qu’il dresse un portrait étonnamment juste et sensible d’une jeunesse paumée américaine. Le propos du film n’est pas là, et on est loin d’un film militant ou cérébral, mais le langage outrancièrement viriliste d’Ajax le dépeint directement comme un beauf qui ne réfléchit pas, et Mercy est le seul personnage développé du film, la seule qui a un réel besoin moral, celui de s’en sortir de sa condition de vie misérable. De fait, c’est à elle que le spectateur s’identifiera le plus aisément, même si elle entraîne le charismatique leader des Warriors Swan dans son développement !

Mais oubliez-donc ces considérations sociales, et concentrez-vous plutôt sur cette scène d’introduction et sur le monologue de Cyrus. Voyez comment un chef de gang des bas-fonds new-yorkais parle comme dans une pièce de Shakespeare, et comment il articule à la manière d’un acteur de théâtre. Cette dissonance ne peut que vous faire sourire, et je vous mets au défi de ne pas retenir au moins deux ou trois phrases de ce magnifique discours. “Can you count, suckeeeeers?

Fin de la séance aux alentours de minuit.

Conclusion

Ce soir vous aurez vu comment il est possible de faire des films d’action dantesques sans pour autant prendre les spectateurs pour des imbéciles. L’histoire simple laisse le champ libre au monde de se développer, et se laisse donc raconter par les détails. Loin pour autant d’être des oeuvres cryptiques, elles sont d’une clarté tellement limpide qu’elles ne laissent aucun spectateur sur le bas côté de la route, quitte à paraître simpliste de prime abord (ce qu’elles ne sont pas donc). Et c’est là leur vrai tour de force !

Si vous n’êtes pas encore fatigués

N’hésitez pas à faire un tour du côté du premier John Wick, qui s’il n’arrive pas aux hauteurs des deux premiers films de la soirée reste un excellent film dont la simplicité de l’histoire permet au monde de respirer. Vous pourrez aussi zieuter du côté du deuxième opus de la saga Mad Max, à savoir The Road Warrior, dont Fury Road est une remise au goût du jour, afin de comparer et d’apprécier les différences.


  1. À comprendre : des verres d’eau sortis tout droit du robinet. ↩︎

  2. Sérieusement, ne vous faites pas avoir et regardez la version ciné (et allez lire mon article sur les director’s cuts). ↩︎